Cet été, j'ai assisté à une représentation théatrale
d'un théatre vraiment populaire, hérité de temps trés anciens. Cela se
passait à Varliano (commune de Giuncugnano) en Haute Garfagnana (province
de Lucques), tout près de Piazza al Serchio. Il s'agit de la partie de la
Garfagnana qui jouxte la Lunigiana. La représentation se tenait dans le
cadre de la Rassegna Nazionale del Maggio. Elle était jouée par la Compagnia
Maggistica Monte Cusna di Asta (Villa Minozzo en Province de Reggio
nell'Emilia).
Cela se déroule en plein air, dans un bois de châtaigners.
Une simple clairière suffit parfaitement. Les comédiens sont au milieu;
les spectateurs forment un cercle tout autour.
Le décor est simple: deux tables et deux bandières
indiquant deux camps: le camp des Bons et le camp des Méchants. Les acteurs
portent des costumes de style mélangeant Antiquité et Moyen Âge.
Dans le cas présent la pièce a pour titre "Rolando da Corniano"
(écrite par Luca Sillari). Elle raconte une période historique véritable:
les événements qui vont de la rencontre entre le Pape Grégoire VII et
l'Empereur Henri IV à Canossa en 1077 jusqu'à la paix du Bianello en 1111.
Le château de la Comtesse Mathilde de Toscane, à Canossa, servit de refuge
au Pape alors que l'Empereur, en conflit avec le Pape au sujet des
Investitures, descendait sur Rome. L'Empereur avait dû "aller à
Canossa" implorer le pardon du Pape. La rencontre avait eu lieu
à l'initative de la Comtesse Mathilde. Ce qui n'empêcha pas
l'Empereur de reprendre les hostilités par la suite. Le camp de la Comtesse
Mathilde (avec le Pape) est le camp des Bons et le camp de l'empereur est le
camp des Méchants.
Le texte, d'inspiration chevaleresque et composé de façon
trés codifiée, est chanté par les comédiens, sur une mélodie
répétitive jouée par un guitariste (ou éventuellement un violoniste ou
un accordéoniste ou les trois à la fois).
Deux personnages non directement comédiens jouent un rôle
particulier: le suggeritore (souffleur) et le vinaio.
Pendant la représentation, le suggeritore court d'un
comédien à l'autre pour lui rappeler le texte qu'il (le comédien) va devoir
chanter dans la seconde qui suit. Cela fait partie de la tradition. Le suggeritore
parle plutôt fort (Ne pas oublier que tout ça se déroule en plein air) et
est lui-même entendu par les spectateurs.
Quant au vinaio, il est chargé, toujours pendant la
représentation, d'offrir du vin aux comédiens lorsqu'ils ont un moment de
repos. En effet il n'y a ni coulisses ni loges. Les comédiens, pendant les
instants où ils n'ont rien à faire, restent au milieu du cercle de
spectateurs assis sur des chaises ou sur le sol. Le vinaio, lui aussi
passe donc son temps à courir d'un comédien à l'autre. Cela fait aussi
partie de la tradition.
Les spectateurs sont eux-aussi partie prenante de l'action.
Ils prennent parti pour le camp des Bons, ne se privant pas de faire
quelques remarques désobligeantes sur le camp des Méchants. Cela fait encore partie de la tradition.
Cette forme de théatre (appelé maggio drammatico
ou maggio epico) a son origine dans les antiques
rites champêtres célébrés au printemps dans le but de rendre
propice la fertilité du territoire. Au cours des siècles, ces
rites ont pris un contenu historique et la lutte origninelle entre
le Printemps et l'Hiver a été remplacée par la lutte entre le
Bons et les Méchants, la lutte entre le Bien et le Mal.
Cette tradition théatrale, autrefois répandue dans
l'ensemble du territoire toscan et dans la proche montagne
émilienne, est encore trés vivace en Haute Garfagnana et
dans la partie appennique de la Province de Reggio nell'Emilia. Tradition
que l'on rencontre aussi dans la partie la plus orientale de Haute Lunigiana
(Regnano dans la Commune de Casola).
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